Cahier de recherche no 2018-14
La soutenabilité budgétaire à long terme du Québec, édition 2018. Des défis subsistent.
Yves St-Maurice, Luc Godbout, Matthieu Arseneau et Suzie St-Cerny
Le vieillissement de la population n’est plus un secret pour personne. Ce qui restait encore intangible pour plusieurs il y a à peine quelques années seulement prend maintenant tout son sens. La transition démographique québécoise limitera la croissance économique de laquelle dépend la croissance des revenus de l’État et exercera une pression accrue sur les coûts de santé et les dépenses publiques.
Ce n’est pas la première fois qu’une étude se penche sur la question de la soutenabilité. La Chaire en fiscalité et en finances publiques s’y est elle-même intéressée en 2007, puis en 2014. Notre intérêt réside essentiellement dans une perspective du respect de l’équité intergénérationnelle. Elle suit également les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de procéder à une évaluation des perspectives budgétaires du gouvernement sur un horizon de 10 à 40 ans.
La question est relativement simple : dans l’état actuel des choses, le gouvernement du Québec est-il en mesure de garantir l’équité intergénérationnelle? Sommairement, on peut définir cette notion en disant qu’il s’agit d’assurer le bien-être des générations d’aujourd’hui sans compromettre celui des générations de demain.
Évidemment, les hypothèses démographiques et économiques ont été revues pour tenir compte des plus récents travaux de recherche sur les sujets abordés et des plus récentes statistiques. Comme ces hypothèses sont nombreuses, une analyse de sensibilité a été réalisée sur quelques variables pour aboutir sur des scénarios se voulant soit plus optimiste ou plus pessimiste.
Dans notre scénario central, considérant la présence notamment du Fonds des générations, la prochaine décennie tend relativement vers l’équilibre budgétaire et un niveau d’endettement sous contrôle. Par contre, à partir de 2028, les déficits budgétaires progressent. On peut donc dire, qu’il reste, grosso modo, une décennie pour organiser nos finances publiques en vue de conjuguer transition démographique et équilibre budgétaire, dans une perspective d’équité intergénérationnelle. Par la suite, malgré des hypothèses confiantes en l’avenir et misant sur l’augmentation des taux d’emploi, sur la croissance de la productivité et sur l’évolution de la technologie dans le domaine de la santé, les conclusions demeurent fermes : les finances publiques du Québec seront sous tension à long terme.
Considérant le fardeau fiscal actuel, les résultats montrent une difficulté d’application du concept de soutenabilité budgétaire étant donné que les projections exposent un déficit public en proportion du PIB qui tend à augmenter dans le temps, pouvant mener ultimement à un alourdissement significatif de la dette. Ce phénomène soulève donc un problème d’équité intergénérationnelle. Les projections budgétaires à long terme présentées ici montrent que l’appariement des revenus et des dépenses des gouvernements risque d’être de plus en plus difficile à réaliser. Dans à peine 20 ans, soit en 2038, le déficit du gouvernement du Québec pourrait atteindre 10,3 milliards de dollars, soit 1,2 % du PIB. Ce résultat serait essentiellement la conséquence d’une croissance annuelle composée des dépenses, notamment celle de la santé, supérieure à la hausse des revenus consolidés. À plus long terme, en 2058, le déséquilibre apparaît encore plus évident.
Évidemment, il ne faut pas interpréter les résultats de ce rapport comme étant un présage de l’apocalypse. L’exercice consistait plutôt à projeter les tendances actuelles, à fardeau fiscal constant, dans un contexte démographique qui créera des pressions sur le financement des services publics et atténuera parallèlement la croissance économique et celle des revenus de l’État. Il y a fort à parier que dans 20 ans nos projections ne se seront pas matérialisées car les décideurs politiques auront au fil des années pris des décisions, souvent difficiles, afin d’ajuster le tir pour éviter l’apparition de déficits à répétition. Ils ont maintenant un aperçu des efforts qu’ils devront fournir pour financer les coûts de reconduction des programmes gouvernementaux dans un contexte de vieillissement de la population et assurer le respect de l’équité intergénérationnelle.