Cahier de recherche no 2018-06

Portrait de l’évolution du revenu et de l’imposition du travail et du capital dans les provinces canadiennes

Mario Fortin et Alain Paquet

Nous combinons les données de 1981 à 2015 des comptes nationaux et des comptes publics pour calculer les revenus réels per capita du travail et du capital ainsi que leurs taux d’imposition effectifs moyens (TIEM) au Canada et dans les provinces. En moyenne, les revenus du travail ont globalement stagné jusqu’en 1997 au Canada avant de connaître une progression généralisée jusqu’en 2008. Aux niveaux provinciaux, c’est en Alberta et en Ontario qu’on observait les revenus du travail les plus élevés jusqu’à la fin des années 90, mais l’Alberta s’est par la suite détachée du reste du pays alors que Terre-Neuve-et-Labrador (TNL) passait du niveau le plus faible au pays jusqu’en 2005 au peloton de tête après la récession de 2008-2009. Quant aux revenus du capital, ils ont fortement progressé en Alberta, en Saskatchewan et, plus récemment, à TNL, pour largement dépasser la moyenne nationale. Ainsi, en 2015, ils se situaient à environ 26 000 $ en Alberta et en Saskatchewan et à près de 18 700 $ à TNL, contre environ 14 000 $ en moyenne dans les sept autres provinces.

Quant aux TIEM, celui du travail est généralement plus élevé que celui du capital et les deux suivent une trajectoire différente. Ainsi, le TIEM du travail est passé de 29 % en 1981 à plus de 43 % en 1996, avant de se stabiliser par la suite à environ 41 %. Si on prend en compte la perte de pouvoir d’achat additionnelle des salariés résultant des taxes à la consommation pour calculer le TIEM combiné du travail, celui-ci est passé de 38 % en 1981 à près de 49 % en 2014. Par contre le TIEM du capital, qui fluctuait entre 26 % et 29 % dans les années 80 et 90, a diminué par la suite et se maintient récemment autour de 22 %. Au niveau provincial, c’est au Québec que le TIEM du travail est de loin le plus élevé au Canada. Ainsi, entre 1981 et 2014, il se situait à 47,5 % par rapport à 41,7 % en moyenne au Canada, soit un écart de 5,8 points de pourcentage, ce qui est plus élevé que l’écart moyen de 4,3 points observé en moyenne entre 1981 et 2014. Le TIEM combiné du travail est évidemment plus élevé et dépassait 54 % au Québec entre 2011 et 2014. Quant aux TIEM du capital, il est inversement relié aux revenus du capital et est donc plus bas en Alberta, en Saskatchewan et à TNL. Le TIEM plus faible du capital s’explique en partie par le fait que la rente imputée au logement occupé par son propriétaire, qui a contribué en moyenne à près du quart du rendement total du capital au Canada entre 1981 et 2015, n’est pas imposée. Ainsi, le taux d’imposition du capital utilisé par les sociétés s’est établi en moyenne à 34 % entre 1981 et 2015 contre un TIEM moyen du capital de 26 %.

Afin de mieux comprendre les écarts de revenu et les TIEM, nous avons décomposé le revenu du travail en heures travaillées per capita et en salaire horaire, alors que le revenu du capital a été décomposé entre le stock de capital per capita et le taux de rendement du capital. Ceci a permis de voir que l’impact du TIEM combiné du travail sur l’évolution du salaire horaire est considérable. Ainsi, le salaire horaire réel brut est passé au pays de 22,16 $ en 1981 à 30,66 $ en 2014, soit environ 0,9 % de gains annuels moyens pour une augmentation globale de près de 35 %. Mais le salaire net a pour sa part tout d’abord diminué de 16 % entre 1981 (14,16 $) et 1996 (11,91 $), pour se mettre finalement à augmenter par la suite et pour se stabiliser autour de 15,50 $ à partir de 2010, produisant un gain réel de pouvoir d’achat sur 34 ans de seulement 10 %. Quant au revenu du capital, nous mesurons un taux de rendement plus faible dans les années 90 et plus élevé dans les années 2000, un mouvement compatible aux variations des prix des produits de base. Nous trouvons par ailleurs que le taux de rendement du capital est assez similaire dans les provinces. C’est donc surtout parce que l’Alberta, la Saskatchewan et TNL ont un stock de capital per capita non résidentiel qui est devenu beaucoup plus élevé que la moyenne nationale que leurs revenus du capital sont aussi importants. Nous montrons finalement que le TIEM du travail est devenu de plus en plus corrélé négativement avec le salaire horaire brut, les heures travaillées et le stock de capital non résidentiel per capita. Ceci suggère que les mesures de redistribution de revenu entre les provinces sont de moins en moins capables de compenser les écarts interprovinciaux d’assiette fiscale.

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