Cahier de recherche no 2020-12
Portrait des finances publiques locales au Québec
Clément Carbonnier
Résumé
L’objet de cette étude est de brosser un portrait des finances publiques des municipalités au Québec, et de peser les différents déterminants des dépenses publiques locales et de leur financement, aussi bien en termes quantitatifs qu’en termes d’orientation des budgets vers les différentes missions de la politique locale. L’étude vise à mesurer l’accès aux services locaux – mesuré en valeur monétaire par habitant – et la contribution des résidents, en fonction des caractéristiques de la municipalité (population, population relative à la MRC, valeur du foncier, orientation du foncier, indices de vulnérabilité matérielle et sociale).
Pour ce faire, trois bases de données, exhaustives au niveau des collectivités locales du Québec, sont appariées : les Rapports financiers remplis par les collectivités territoriales, les fichiers de valeur foncière des propriétés et des informations sur la vulnérabilité et l’hétérogénéité matérielle et sociale sont ajoutées grâce à une base de données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Il apparaît que la très grande majorité des dépenses est assurée par les municipalités – plutôt que par les municipalités régionales de comté (MRC) ou les communautés métropolitaines (CM). Les montants de dépenses publiques locales par habitant dont bénéficient les Québécois sont assez similaires sur l’ensemble du territoire organisé en municipalités. Ces dépenses couvrent de manière substantielle des services que l’on pourrait qualifier de biens publics (sécurité publique, voirie et déneigement, parcs et infrastructures de loisirs).
Malgré cette similarité, des différences apparaissent. Relativement à la population municipale, les dépenses publiques par habitant dessinent globalement une courbe en U, avec des dépenses supérieures pour les plus petites municipalités et pour les plus grandes. Les principaux postes de dépenses des plus grandes villes sont le transport et la sécurité publique, ce qui peut s’expliquer par les besoins face à la congestion et la densité urbaines. Les dépenses pour les loisirs, bien que minoritaires, sont plus importantes que dans les municipalités moyennes et petites. Ceci rejoint les résultats classiques sur « l’effet zoo » : les plus grandes villes peuvent non seulement offrir des biens publics en plus grande quantité, mais également, une plus large gamme de biens publics. Pour les plus petites municipalités, on retrouve un accroissement des dépenses de transport (voirie, déneigement) ainsi que des frais d’administration : ces plus petites municipalités ne peuvent pas bénéficier des économies d’échelle relatives à ce type de dépenses.
Pour financer ces dépenses, les municipalités bénéficient de ressources qui présentent globalement la même courbe en U. La très grande majorité des recettes provient de la taxe foncière. Les transferts importent également pour les plus petites et les plus grandes municipalités (mais peu pour les municipalités de taille moyenne) alors que les municipalités les plus peuplées sont les seules à bénéficier de revenus non négligeables provenant de la tarification de services.
L’analyse multivariée confirme ces résultats, ainsi que le fait que les dépenses par habitant s’accroissent avec le potentiel fiscal. On peut interpréter ce résultat comme un effet richesse : plus une municipalité a accès à de fortes recettes fiscales potentielles, plus elle en profite pour offrir un surcroît de services à ses administrés. Pour autant, toute la richesse potentielle n’est pas utilisée, car un plus fort potentiel fiscal est associé à de plus faibles tarifications des services et de moindres transferts du gouvernement. Ce dernier point constitue une forme de péréquation entre municipalités.
À potentiel fiscal donné, le niveau des dépenses s’accroît avec la part des résidences secondaires et des bâtiments à destination industrielle et commerciale. Ces deux dernières caractéristiques sont en effet corrélées avec le fait que les destinataires des dépenses publiques municipales ne sont pas uniquement les résidents, mais également des touristes ou des travailleurs résidant en dehors de la municipalité. Le surplus de dépenses publiques dans ces municipalités est financé à la fois par de plus forts prélèvements obligatoires, des transferts plus importants et davantage de tarifications des services.
En ce qui concerne la situation sociale des habitants, toutes autres caractéristiques égales par ailleurs, un indice de vulnérabilité matérielle plus élevé est associé à de plus fortes dépenses de transport, mais de plus faibles dépenses pour les loisirs.