Cahier de recherche no 2018-12
Prioriser le court terme au détriment du long terme : Les contraintes sur la marge de manœuvre fiscale et les investissements futurs
Olivier Jacques
Alors que les dépenses sociales publiques augmentent à travers le temps, les revenus générés par la taxation tendent à se stabiliser dans les pays occidentaux depuis la fin des années 80. La transition vers une société post-industrielle ainsi que le vieillissement de la population augmentent la demande pour la couverture publique des risques sociaux, mais la concurrence fiscale limite la capacité des gouvernements d’accroître les revenus tirés sur certains types de taxes. Comment les gouvernements réagissent-ils à ces pressions contraires sur les finances publiques? Ce cahier de recherche introduit le concept de marge de manoeuvre fiscale qui est mesurée en soustrayant les dépenses sociales publiques et le service des intérêts de la dette publique des prélèvements obligatoires générés par la taxation. Alors que les revenus se stabilisent et que les dépenses sociales augmentent, la marge de manoeuvre fiscale des gouvernements se contracte : les États sont de moins en moins en mesure de financer d’autres missions de l’État que les dépenses sociales, particulièrement celles qui offrent surtout des bénéfices à long terme plutôt qu’à court terme. L’analyse empirique des choix fiscaux de 22 pays de l’OCDE de 1980 à 2015 suggère que les variations dans la marge de manoeuvre fiscale soient corrélées avec les investissements publics en capital physique, la dette publique et le niveau de dépenses sociales privées.
Ces choix traduisent un biais de court terme dans la prise de décision gouvernementale : lorsque les gouvernements choisissent de répondre aux demandes à court terme de leurs citoyens en augmentant les dépenses sociales sans accroître leur fardeau fiscal, les gouvernements tendent à délaisser les investissements à plus long terme dans le capital public physique et à augmenter leur dette publique. Ce cahier de recherche n’observe toutefois pas de relation entre la marge de manoeuvre fiscale et les dépenses publiques en éducation ou en recherche et développement, deux autres types d’investissements futurs. De plus, lorsque la marge de manoeuvre fiscale s’amenuise, les dépenses sociales privées tendent à augmenter.