Regard CFFP no 2021-06

L’impact de la conjoncture économique sur le solde budgétaire du Québec

Julie S. Gosselin et Luc Godbout

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Résumé

Depuis 2016, la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques publie périodiquement une estimation de la décomposition du solde budgétaire du gouvernement du Québec en composantes conjoncturelle et structurelle. Lors de la dernière publication, en décembre 2019, l’économie québécoise affichait une performance remarquable, et la CFFP estimait qu’une large part des surplus budgétaires anticipés pour l’année financière 2019-2020 était attribuable à cette conjoncture économique favorable. Seize mois et une pandémie mondiale plus tard, la situation est toute autre, alors que le gouvernement du Québec évalue que son déficit, au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire, atteindra 13,3 milliards pour l’année financière 2020-2021.

Étant donné l’effet de la pandémie sur les dépenses et les recettes du gouvernement, on imagine déjà qu’une partie importante de ce déficit est d’origine conjoncturelle, et des déficits conjoncturels persisteront tant que le niveau réel de l’activité économique ne sera pas revenu à son plein potentiel. Par ailleurs, il est possible que les conséquences de la pandémie se répercutent aussi sur le niveau du PIB potentiel et sur sa trajectoire à court terme. Dans ce contexte, toute estimation des composantes conjoncturelle et structurelle du solde budgétaire s’accompagne d’une incertitude encore plus forte qu’en temps normal. L’exercice n’en demeure pas moins utile puisque, par exemple, la perspective d’importants déficits structurels récurrents devrait préparer les gouvernements à agir pour les éliminer une fois la crise passée. 

Ainsi, cette analyse cherche à estimer les composantes structurelles et conjoncturelles du solde budgétaire du gouvernement du Québec pour les années financières 2019-2020 à 2022-2023. Pour ce faire, après avoir défini les concepts clés et brièvement exposé la mécanique derrière cet exercice, l’analyse s’attarde sur les effets possibles de la crise pandémique sur l’évolution du PIB potentiel du Canada à partir d’estimations récentes de différentes institutions canadiennes et internationales. Ensuite, les trajectoires estimées par la CFFP pour le PIB potentiel du Canada et du Québec sont présentées, ainsi que les écarts de production projetés pour l’économie québécoise, ce qui permet d’évaluer les portions conjoncturelle et structurelle des soldes budgétaires prévus par le gouvernement du Québec jusqu’en 2022-2023. Plusieurs constats se dégagent de cet exercice :

  • Bien que l’économie du Québec se situait au-dessus de son potentiel durant l’année 2019, les baisses des revenus tirés des entreprises gouvernementales et les hausses de dépenses en réponse à la crise sanitaire donnent lieu à un faible déficit conjoncturel en 2019-2020. Au sens des comptes publics, le déficit conjoncturel est plus que compensé par un surplus structurel de 2,5 G$. Ce surplus structurel avoisine les versements dédiés au Fonds des générations qui s’élèvent à 2,6 G$.
  • Sans surprise, pour l’année 2020-2021, le déficit est entièrement attribuable à la conjoncture économique. Les dépenses pandémiques exceptionnelles et les variations de revenus attribuables à la crise sanitaire et économique expliquent la taille historique du déficit budgétaire. Au sens des comptes publics, le surplus structurel estimé en 2020-2021 est équivalent aux versements de 3,0 G$ au Fonds des générations.
  • Pour l’exercice 2021-2022, le déficit budgétaire prévu est surtout dû à la conjoncture économique et aux dépenses pandémiques, mais un déficit structurel apparaît. La composante structurelle du déficit au sens des comptes publics est estimée à 1,8 G$, soit 20 % du déficit prévu.
  • En 2022-2023, l’importance absolue et relative du déficit structurel s’accroît. Le déficit structurel compte pour la majeure partie du déficit, tant au sens des comptes publics qu’au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire. Ainsi, après la prise en compte des versements au Fonds des générations, le déficit structurel atteint 6,3 G$ en 2022-2023.

C’est dans cette perspective que le ministre des Finances évalue que la crise actuelle laissera le Québec avec un déficit structurel de l’ordre de 6,5 G$ annuellement. À partir de 2023-2024, le cadre financier du gouvernement du Québec montre une réduction des déficits budgétaires, mais cette diminution est associée à un écart à résorber augmentant au rythme de 1,3 G$ par année pour atteindre 6,5 G$ en 2027-2028. La résorption de cet écart contribuera à l’élimination du déficit structurel, mais la nature des efforts à déployer reste toutefois à déterminer.

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