Cahier de recherche no 2023-11
L’état des régimes de propriété intellectuelle sous les règles GloBE : Une perspective canadienne
Lyne Latulippe, Christine Ally et Julie S. Gosselin
Publié également en anglais dans Canadian Tax Journal / Revue fiscale canadienne (2023) 71 : 1, 159 – 88
Résumé
Après que l’Action 5 du projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices ait établi que les régimes fiscaux préférentiels pour les revenus tirés de propriété intellectuelle (PI) étaient dommageables, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a recommandé qu’un traitement fiscal favorable ne soit accordé que dans le cadre d’une approche nexus. Plus de 25 pays proposent aujourd’hui une forme de régime de PI. L’introduction de l’impôt minimum mondial pourrait limiter l’efficacité de ces régimes. Les effets de cet impôt varieront toutefois selon les circonstances. Il faudra procéder à un examen approfondi de la meilleure façon d’aligner les incitatifs fiscaux à l’innovation pour les entreprises multinationales en vertu des règles de l’impôt minimum, aussi appelées règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition (abrégées par « les règles GloBE », de l’anglais global anti-base erosion).
Dans cet article, les auteures décrivent tout d’abord le contexte mondial d’adoption des régimes de PI, puis résument certains résultats de recherche sur l’efficacité de ce type de régime fiscal préférentiel dans l’atteinte des objectifs fixés par les gouvernements. Elles présentent ensuite des exemples qui illustrent, en termes simples, certaines interactions devant être prises en compte lors de la conception de ces régimes dans le contexte canadien.
Du point de vue des entreprises multinationales, l’incidence de l’interaction entre les règles GloBE et les incitatifs à la recherche et développement (R-D) dépendra, entre autres choses 1) du lieu où se situent les revenus de PI, les immobilisations corporelles et les activités de R-D; 2) de la proportion des revenus de PI; et 3) de la possibilité d’utiliser la structure de l’entreprise comme levier. Du point de vue de la politique fiscale, la mise en application des règles GloBE ne modifiera pas, dans certains cas, la pertinence d’un régime préférentiel en matière de PI lorsque le taux d’imposition effectif reste supérieur à 15 pour cent. Toutefois, lorsque les règles GloBE s’appliquent, les caractéristiques du régime fiscal — par exemple, les taux d’imposition du régime de PI, les mécanismes d’incitatif à la R-D et (surtout) l’effet additif des mesures (les mesures fédérales plus les mesures provinciales, et les crédits de R-D plus les déductions pour la PI) — modifieront les résultats. Dans une perspective de concurrence fiscale, la possibilité d’adopter un régime de PI dépend également des risques perçus quant à la perte d’activités de R-D ou à la dissuasion de les mener, à présent que les régimes de PI sont liés aux activités locales de R-D et qu’ils sont répandus. Enfin, le contexte fédéral-provincial complique la conception et le déploiement d’une politique fiscale qui vise à stimuler l’innovation et qui nécessitera une certaine forme de négociation, voire de coopération, lors de la mise en place d’un impôt minimum mondial.