Cahier de recherche no 2019-10

Le point sur l’impôt des sociétés: imposition des flux monétaires sur la base de la destination

Julie S. Gosselin et Lyne Latulippe

Les principes fondamentaux du système fiscal international datent du début du 20e siècle et ne sont pas nécessairement adaptés à la réalité d’une économie mondiale de plus en plus immatérielle. D’ailleurs, les défis que pose l’imposition des multinationales du web mettent en évidence les problèmes du système fiscal international.

Dans ce contexte, ce cahier de recherche pose quelques jalons importants de la réflexion sur l’avenir de l’imposition des sociétés. Le cahier débute par un bref historique des fondements et de l’évolution de l’impôt des sociétés. Les principales caractéristiques de cet impôt, souvent intimement lié à l’impôt sur le revenu des particuliers, sont décrites, en insistant sur le contexte canadien. Ensuite, les principes de source et de résidence sont présentés, deux principes qui déterminent la répartition internationale des droits d’imposition. Puis, la deuxième section s’attarde aux effets économiques du régime actuel sur la croissance et l’investissement, entre autres, et aborde la question de l’incidence de l’impôt des sociétés ainsi que les conséquences de l’imposition fondée sur la source dans une économie mondialisée.

Considérant que des solutions de remplacement aux régimes actuels ont été proposées, dont certaines avant même le débat actuel sur l’imposition de l’économie numérique, la troisième section expose brièvement les propriétés d’un système d’imposition des profits économiques qui se traduirait par un impôt sur les flux monétaires sont brièvement exposées. Finalement, la quatrième section s’attarde à l’une des propositions d’imposition des flux monétaires selon le principe de destination (FMBD et, en anglais, destination-based cash flow tax). Cette proposition élaborée par des chercheurs en 2002 a été abondamment discutée plus récemment lorsqu’elle a été incluse dans le plan de réforme fiscale du président du Comité voies et moyens du Congrès américain (Ways and Means en anglais, l’équivalent du Comité des finances au Canada) publié en juin 2016. Parce que les flux monétaires seraient imposés sur la base de la destination des ventes, l’implantation de ce système d’imposition constituerait un changement assez radical par rapport au régime actuel. Ainsi, la dernière section présente cette proposition, ses caractéristiques et son impact économique afin d’expliquer les arguments théoriques qui la soutiennent et de permettre une comparaison avec d’autres formes d’imposition des sociétés actuelles ou futures. En théorie, dans un contexte d’implantation multilatérale, les stratégies classiques de transfert de bénéfices ne permettraient plus aux multinationales de tirer profit des écarts de taux d’imposition entre les juridictions, et les écarts de taux n’affecteraient plus la localisation des investissements. Cette section aborde également les effets de l’impôt FMBD sur le commerce international, son incidence, ses effets sur la base d’imposition et les recettes fiscales ainsi que les conséquences d’une implantation unilatérale.

Ce cahier de recherche met ainsi en lumière une solution de rechange à l’impôt actuel sur les bénéfices des sociétés qui a alimenté les réflexions autour du régime d’imposition des sociétés, mais il ne formule pas de recommandations de politiques. D’autres propositions pour imposer les sociétés existent. Le plan de travail adopté par le Cadre inclusif de l’OCDE, qui mène les travaux afin de trouver un consensus d’ici 2020 autour de l’épineuse question des défis fiscaux posés par l’économie numérique, suggère que la solution de long terme pourrait être construite à l’intérieur des paramètres du système actuel, mais en modifiant certaines règles déterminant la répartition des bénéfices entre les États et les liens entre entreprises et juridictions, ainsi qu’en mettant en place de nouveaux outils fiscaux pour assurer une imposition minimale de certains revenus des multinationales. Une autre avenue consisterait à imposer le revenu mondial consolidé des multinationales, qui serait alors attribué aux différentes juridictions selon une formule de répartition. Peu importe la forme que prendra un éventuel consensus autour de la taxation de l’économie numérique, la réflexion sur l’impôt des sociétés se poursuit, et ce cahier permet de mieux comprendre les éléments en jeu.

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