Coup d’œil sur la recherche 2021/05

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L’effet de l’interprétation FIN 48 sur les provisions fiscales des entreprises
Coup d’œil sur un article de Cristi A. Gleason, Lillian F. Mills et Michelle L. Nessa

Aux États-Unis, l’interprétation FIN 48 est entrée en vigueur au mois de juin 2006. Celle-ci dicte la façon dont les sociétés doivent comptabiliser et présenter les positions fiscales incertaines dans leurs états financiers. Depuis sa mise en place, le traitement des positions fiscales incertaines exige davantage de préparation de la part des contribuables. Plusieurs recherches s’y intéressent dans le but de mieux cerner comment les contribuables ont réagi à son implantation, en évaluant notamment ses répercussions sur le caractère adéquat des provisions fiscales adoptées par les sociétés.

Dans un article publié en 2018, les chercheures Cristi Gleason, Lillian Mills et Michelle Nessa s’intéressent aux positions fiscales incertaines dans le contexte de l’interprétation FIN 48. Elles tentent de déterminer si le renforcement des directives comptables et des obligations d’information qui en découlent ont permis d’améliorer l’estimation des provisions fiscales, objectif central du Financial Accounting Standards Board (FASB) en émettant la
FIN 48.

L’interprétation FIN 48 : de quoi est-il question?

L’interprétation FIN 48 a transformé la comptabilisation financière des impôts sur le revenu. Son implantation visait à standardiser la comptabilisation des provisions fiscales, c’est-à-dire les montants estimés d’impôts additionnels qu’une société anticipe devoir payer en raison de ses positions fiscales incertaines à la suite d’une vérification et de la résolution de tout litige. FIN 48 nécessite de documenter davantage les positions fiscales incertaines et de divulguer plus d’informations sur les provisions fiscales dans les notes des états financiers.

Les auteures relèvent que FIN 48 a vraisemblablement renforcé l’examen des provisions fiscales par les auditeurs tout en leur fournissant des informations supplémentaires quant aux positions fiscales incertaines.

Elles cherchent à découvrir si l’interprétation a amélioré l’exactitude (accuracy) et l’adéquation (adequacy) des provisions fiscales. L’étude s’intéresse également à l’impact de FIN 48 sur l’association préalablement observée entre la qualité des rapports financiers et les services fiscaux fournis par des auditeurs (ATS).

Comment l’analyse a-t-elle été effectuée?

Les chercheures ont construit leur échantillon à partir de données sur des sociétés publiques dont l’impôt payable a fait l’objet d’un rajustement positif à la suite d’un avis de l’IRS ou à un règlement avec l’IRS. Leur échantillon contient 2 798 observations et couvre les années fiscales 2003 à 2011. Les états financiers correspondants ainsi que les données de l’IRS sont utilisés pour construire différentes mesures de la variation estimée des provisions fiscales des sociétés aux États-Unis.

Pour examiner l’effet de FIN 48 sur les provisions fiscales, un modèle de régression est estimé afin de comparer l’adéquation de la provision (c’est-à-dire si la provision est suffisante pour couvrir le rajustement ou le règlement) ainsi que son exactitude avant et après l’entrée en vigueur de FIN 48. Les auteures soulignent qu’une entreprise bénéficie d’une planification fiscale seulement si la provision associée n’est pas inscrite aux états financiers, ce qui pourrait impliquer que les entreprises sont potentiellement incitées à enregistrer des provisions insuffisantes en espérant que l’administration fiscale ne détectera pas et ne contestera pas leurs positions fiscales. Alternativement, des provisions excessives peuvent être inscrites dans l’espoir de reconnaître l’économie d’impôt à une date ultérieure.

Enfin, les chercheures soulignent que l’interprétation FIN 48 a renforcé les directives comptables, augmenté la divulgation d’informations concernant les provisions fiscales des entreprises et accentué l’examen des comptes fiscaux par les auditeurs. Face à ces constats, elles formulent l’hypothèse que l’instauration de FIN 48 a potentiellement réduit l’avantage informationnel de recourir aux services fiscaux d’un auditeur (ATS). Pour tester cette hypothèse, elles comparent l’effet du recours aux ATS sur le caractère adéquat et l’exactitude des provisions fiscales avant et après l’entrée en vigueur de FIN 48.

Que révèle la recherche?

Tout d’abord, les auteures constatent qu’en moyenne, les entreprises modifient leurs provisions, en raison d’estimations inexactes par exemple, au cours de l’année de l’intervention de l’IRS. Cette tendance existait avant FIN 48, et elle persiste dans les années suivantes.

Gleason, Mills et Nessa ne trouvent aucune différence statistique dans l’exactitude et l’adéquation globale des provisions fiscales avant et après l’entrée en vigueur de l’interprétation FIN 48.

Ainsi, les provisions fiscales ne sont pas plus exactes qu’avant. Ce résultat est cohérent avec les travaux antérieurs de Robinson, Stomberg et Towery (2016) et de Ciconte, Donohoe, Lisowsky et Mayberry (2016) qui n’observent aucune amélioration de la relation entre les provisions fiscales et les impôts payés depuis la sortie de cette interprétation.

Également, les auteures ne trouvent pas de preuve empirique que les provisions fiscales des entreprises de l’échantillon sont systématiquement excessives pour la période post FIN 48. De plus, leurs résultats indiquent une diminution de la publication prématurée d’information relative aux provisions fiscales après FIN 48. Dans certains cas, elles notent que la mise en place de cette interprétation semble retarder le renversement de provisions fiscales chez les contribuables jusqu’à l’année de règlement, ce qui est conforme à l’intention du FABS.

Puis, en ce qui a trait aux ATS, deux constats sont observés pour la période pré-FIN 48. Tout d’abord, les entreprises qui faisaient peu appel aux services fiscaux des auditeurs avaient des provisions fiscales trop faibles par rapport aux évaluations de l’IRS. En revanche, la situation inverse était constatée chez les entreprises ayant un niveau élevé d’ATS, c’est-à-dire qu’elles avaient des provisions excessives.

Les résultats post FIN 48 suggèrent quant à eux que l’adéquation des provisions des entreprises faisant appel aux ATS n’est plus significativement différente de celles des entreprises retenant peu ces services. Incidemment, cela suggère une diminution des avantages de la diffusion des connaissances, qui peut notamment se justifier par l’amélioration des informations disponibles pour les entreprises à faible niveau ATS depuis la mise en place de l’interprétation. Ce constat confirme que FIN 48 a amélioré la comparabilité de la qualité de l’information financière des entreprises, atteignant ainsi l’un des objectifs de sa mise en place.

Et puis maintenant?

S’inscrivant dans un courant de recherche très investi sur les diverses répercussions de l’interprétation FIN 48, cet article clarifie son impact en examinant spécifiquement les provisions fiscales avant et après son entrée en vigueur. Si les résultats des auteures montrent que FIN 48 a permis d’atteindre certains de ses objectifs, ils révèlent cependant que l’interprétation n’a pas permis d’accroître l’exactitude des provisions fiscales.

Par ailleurs, un certain parallèle peut être tracé entre l’interprétation FIN 48 et les normes internationales d’information financière (IRFS). Le Canada y a adhéré en 2011 et il serait pertinent d’analyser si l’adoption de ces règles a eu une incidence sur l’évitement fiscal des sociétés au Canada.

par Alexendra Caron-Godin

Référence
GLEASON, Cristi A., MILLS, Lillian F. et NESSA, Michelle L. « Does FIN 48 Improve Firms’ Estimates of Tax Reserves? », (2018), vol. 25, no. 3, Contemporary Accounting Research.

À PROPOS DE CETTE PUBLICATION
Qu’il s’agisse de travaux de recherches sur des aspects fondamentaux des finances publiques ou des éléments plus pointus de la fiscalité, qu’ils soient récents ou pas et qu’ils soient ancrés dans n’importe quelle discipline, l’équipe de la Chaire en fiscalité et en finances publiques partage les constats intéressants tirés des textes consultés dans le cadre de ses projets.

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